Foodtrack, plateforme de vente de produits locaux en ligne, est en passe de se faire une vraie place au soleil, grâce au nouveau mode de consommation instauré par les locavores. Mais, quel est donc ce nom barbare et pourquoi l’achat auprès des petits producteurs est devenu ou redevenu un mode de vie convoité et indispensable ?

La genèse du locavorisme

Né de la collaboration de trois cerveaux féminins américains, ce mouvement prônait, à ses débuts, l’achat de plats élaborés avec des produits locaux. L’une d’entre elle, chef cuisinier et membre fondateur de la Community Supported Kitchen (CSK), proposait de mettre en lien cuisiniers et consommateurs autour de ces plats. Devant l’engouement suscité et petit à petit, l’envie d’étendre cette expérience s’est fait sentir. Et les trois femmes ont fait participer des gens volontaires à une expérience : n’acheter, pendant un mois, que des produits trouvés dans un rayon défini autour de chez eux.

Relayé par une presse nationale puis internationale dithyrambique, cet essai aussitôt transformé a porté ce mouvement bien au-delà des Etats-Unis. Il ne restait plus qu’à trouver un nom à ce nouveau mouvement et locavore s’est imposé comme étant le plus évident bien qu’il soit souvent remplacé par « manger local » ou « consomm’acteur ». Nous sommes alors dans les années 1980, depuis, le nombre des adeptes n’en finit plus d’augmenter.

Les bienfaits du locavorisme

Investis d’une mission et avant tout de bon sens, les locavores essayent donc, dans la mesure du possible, de s’achalander dans un rayon n’excédant pas les deux cent cinquante kilomètres autour de leur domicile. Et ce pour plusieurs raisons. Les crises sanitaires successives ont réussi à inquiéter et à faire perdre confiance aux consommateurs. Fort de ces expériences négatives, ils prennent leur santé en main et se tournent dés lors vers des produits sains.

En parallèle, les méthodes d’agriculture et d’élevage des agriculteurs et des éleveurs ont largement évolué aussi. Surfant sur cette vague d’une alimentation plus « propre », ils remplacent peu à peu les pesticides et autres produits chimiques dangereux, par des champs en polyculture ou en poly-élevage, en lien avec les éleveurs. L’élimination des petites bêtes ravageant les cultures se fait ainsi naturellement grâce aux prédateurs et l’emploi de produits chimiques n’est donc plus utile. Petit à petit, les exploitations se tournent donc vers du bio ou du moins vers une agriculture raisonnée. Au diable le rendement à tout prix, tout est misé sur la qualité !

Les consommateurs réapprennent ainsi à accorder leur confiance mais cette fois, en direct, avec les petits producteurs. Les produits vendus sont généralement simples, voir bruts avec une qualité nutritive irremplaçable et leur traçabilité est claire et nette. Pas de souci de viande venant de Pologne ou autre, élevée en France et abattue dans un autre pays étranger ! Pas de légumes ou de fruits espagnols ou venus des pays du Maghreb, tout est français ! Sus aux tomates et aux fraises en hiver ! 

Le circuit-court a donc tout juste au niveau sanitaire. Les fruits et les légumes sont cueillis à maturité, à la bonne saison et ne traînent pas sur les étals, préservant ainsi leur qualité. Ils regorgent de vitamines et de minéraux, de nutriments indispensables à une bonne santé et qui diminuent de façon ostentatoire lorsque ces denrées perdent du temps dans des circuits plus longs. D’autre part, le plaisir du vrai goût des aliments est à nouveau perçu. Une tomate mure, une viande issue de bêtes pâturant, un fromage de chèvre tout frais, une pomme cueillie le matin même … rien n’a d’équivalence en termes de sensations qui explosent en bouche. Le retour à une agriculture moins chimique induit aussi la renaissance de vieux légumes ou de fruits réintroduits. Ainsi, suivant la saison, les étals se couvrent de rutabagas, de crosnes, de cerfeuils tubéreux, de panais … liant par la même recherches et découvertes culinaires et histoires anciennes liées à ces légumes.

Mais hormis, ces premiers avantages, les adeptes du manger local participent aussi activement à l’économie locale. Tout d’abord, en permettant aux producteurs de retrouver des salaires décents. L’absence d’intermédiaires les autorise en effet à pratiquer des prix plus justes, souvent moins chers pour le consommateur. D’autre part, les modes d’achat des locavores ayant évolué aussi, ils sont parfois obligés d’embaucher du personnel, pour la préparation des marchés, des commandes, pour la gestion de ce pan de leur activité ou pour la vente, quel que soit le mode choisi.

Les locavores sont par définition, des personnes responsables et respectueuses de la nature et de ses trésors. Le geste écoresponsable qu’il pratique en favorisant les circuits courts n’est pas vain non plus pour eux. Les grands trajets en avion, en bateau ou en camion sont prohibés chez eux. De fait, les émissions de gaz à effet de serre sont diminuées. Par ailleurs, il est rare de voir ces clients avec des sacs en plastique. Grands paniers tressés en osier, sacs en papier, petites poches en tissu réutilisables les remplacent avantageusement et ne traînent pas dans la nature après utilisation.

Les modes d’achat des consomm’acteurs

Là encore, il a fallu que les acteurs de cette nouvelle économie s’organisent. Les marchés, bien qu’ils soient très conviviaux et que l’on y trouve généralement tous les produits, n’y suffisaient plus. Il n’en reste pas moins que ces endroits sont l’opportunité d’un échange direct avec tous les producteurs dans une ambiance souvent décontractée. L’atmosphère qui se dégage d’un marché est incomparable mais … pas toujours pratique pour cette génération de gens pressés ne trouvant pas forcément le temps de flâner au milieu des étals.

Des coopératives puis des supermarchés de petits producteurs ont vu le jour petit à petit répondant à un besoin de se fédérer. Ces magasins regroupent donc des professionnels dont la volonté est de vendre leurs produits mais aussi ceux de leurs collègues. Ils ont en effet une obligation de « service » définie entre eux et ils doivent être présents sur le lieu de vente quelques heures par semaine ou par mois selon l’importance de la surface de vente.

Autre façon de s’achalander : les AMAP qui répondent elles aussi, à la demande d’une clientèle adepte de produits frais. Ces paniers, de taille différente suivant les familles, sont ainsi préparés souvent par des personnes souvent en requalifications professionnelles ou en réinsertion. Fruits et légumes généralement cueillis la veille ou le matin même, œufs, fromages, viande parfois, offrent une qualité nutritionnelle pour un prix modique et dans un esprit social.

Consommateurs attentifs au mode de culture, d’élevage et de transformation, la génération « locavore » n’en est pas moins une génération active. Habituée aux commandes sur le net, une forte demande est née pour l’achat de produits locaux via le web. Au départ réservé à des producteurs en particulier présentant leurs seuls produits, là encore une proposition de regroupement des produits était inévitable. Voici comment sont nées les plateformes de produits locaux.

Foodtrack

Fort de ce constat, deux jeunes administrateurs ont mis au point un marketplace avec, pour but, de générer l’achat de nourriture plus juste et aux origines transparentes. Tout à ces débuts, la liste des producteurs s’allonge de façon exponentielle jour après jour. Et ce pour deux raisons : simplicité et authenticité.

Agriculteurs et producteurs ne peuvent en effet s’inscrire, qu’après avoir montré « patte blanche ». Les vérifications d’usage permettent de constater que l’exploitation est bien déclarée et qu’elle ne dépend pas de la grande distribution. Les produits sont ensuite mis en ligne et plusieurs possibilités s’offrent à eux pour la livraison. Le producteur peut ainsi livrer lui-même les aliments commandés et payés en ligne lors de tournées hebdomadaires. Mais, un rendez-vous dans un lieu défini à l’avance, points relais ou marchés par exemple, est aussi une possibilité. Si le producteur est propriétaire d’une boutique, les produits sont conservés jusqu’à leurs retraits par le client dans le magasin. Gain de temps, pour les deux parties, l’un ne préparant que les commandes payées et l’autre profitant des avantages du drive. Foodtrack organise les livraisons de certaines denrées ou boissons qui supportent le transport par colis. Tout est organisé pour que personne ne perde de temps. En cas de souci lors d’une livraison par exemple, la messagerie autorise des échanges directs entre vendeurs et clients, de façon à régler rapidement les éventuels problèmes. Suivant le prix payé par mois en échange de son hébergement, les responsables leur fournissent certains services. Les statistiques mensuelles d’activités par exemple les informent sur les produits les plus côtés ou sur les moins prisés, influant par là même sur les choix offerts aux clients. Cette fonctionnalité permet une adaptation tous les mois afin d’optimiser les ventes et ainsi la satisfaction et la fidélisation des locavores.

L’acheteur quant à lui, a accès à une multitude de propositions, tranquillement installé chez lui. Les recherches se font par l’intermédiaire du moteur de recherche ou sur la carte des producteurs. De plus, un simple clic amène sur une description très complète du produit convoité. Les vignerons par exemple sont particulièrement précis sur les cépages, les terroirs, le vignoble, la méthode de culture et sur les sensations d’odorat et de goût relatives au vin. Un vendeur de spiruline vante les mérites de son produit et de ses bienfaits de façon très détaillée. Si certains sont plus succincts dans leur présentation, les détails administratifs, nom, adresse et lien sur le site de l’exploitation, permettent une petite visite des lieux via internet. On y retrouve ainsi des explications plus fournies qui tendent à rassurer l’internaute sur le savoir-faire.

Cette façon de procéder a un autre avantage : ne pas se cantonner aux denrées achetées très à proximité. Goûter un vin du midi, une viande élevée en auvergne, céder à la tentation d’améliorer sa santé grâce aux algues ou à la spiruline, profiter d’un fromage élaboré dans un village d’Ardèche … l’horizon d’approvisionnement de tous les produits est plus élargie et plus diversifiée. 

Malgré un démarrage tout récent, nombre d’artisans du goût et producteurs de matières brutes se sont inscrits sur Foodtrack. Et ils sont très variés : les volaillers et éleveurs de viandes côtoient vignerons et brasseurs, fromagers élevant des chèvres et vendeurs de spiruline partagent l’affiche avec des apiculteurs, des épiciers et des fabricants de yaourts nature, aromatisés et de crèmes dessert offrent un panel intéressant de produits finis … La liste n’est pas exhaustive et on y aperçoit aussi un pépiniériste et un restaurateur, affichant des plats très alléchants qu’il suffit juste de commander avant une dégustation toute en couleurs.

L’influence du Covid-19

Les consommateurs, privés de marchés, se sont tournés vers les marketplaces, seuls moyens d’obtenir des denrées locales. Ce système a, grâce à cette épidémie, connu un boom conséquent. L’afflux de locavores sur ces sites a donc été logique, mettant en avant tous les petits producteurs. Ceux-ci se sont d’ailleurs « décarcassés » pour répondre aux nombreuses demandes et ont été obligé de s’organiser pour assurer commande et livraison dans les temps. Les prix des paniers ont quasiment doublé avec l’achat de denrées habituelles mais aussi de farines bio par exemple. Les gens, confinés, ont pris en main l’élaboration de leurs repas et de leurs pains, privilégiant l’achat de matières premières « propres » pour leur confection. Nouvelle alternative aux supermarchés surpeuplés pendant cette période critique, le drive local a ainsi fait de nouveaux adeptes qui se sentaient plus en sécurité face au virus.

Certaines personnes ont, par cet intermédiaire, découvert ou redécouvert tous les avantages liés à l’achat auprès de producteurs locaux, qu’ils soient économiques, sanitaires, ou simplement en relation avec cette crise.                

Depuis, être locavore est peut-être devenu une philosophie de vie à adopter pour de nouveaux consommateurs.

Foodtrack n’a ainsi rien à envier aux marchés de producteurs en ligne plus anciens. En première ligne, cette plateforme fédérant des petits producteurs locaux sait, d’une part, choisir les agriculteurs, éleveurs ou « transformateurs » de denrées, d’autre part mettre en valeur les bienfaits, quels qu’ils soient de tels achats. Nul doute que cette plateforme qui grandit aura, dans quelques temps grâce à une solide réputation, l’adhésion des consomm’acteurs avertis.